Une étrange figure nous interpelle, habillée de casseroles tintantes sous ses doigts. Elle chante, scande et raconte, nous convie au grand récit des anciennes possessions, des envoûtements possibles, des cérémonies mystérieuses. Héraut magique et rutilant, Mathilde Rance nous invite au voyage. Ubuntu, mot fascinant par son implication humaniste, désigne dans le sud de l’Afrique une manière d’être soi-même et au monde : « je suis ce que je suis grâce à ce que nous sommes tous ». Les réseaux de notre interdépendance tissent notre identité, une et multiple. Ce solo rappelle donc et replace notre position humble d’humain parmi les humains. Il nous invite également à entendre ce bruit métallique de la casserole si particulier, ce bruit du non, de la révolte aussi, ce son qui alerte, dérange. Où partager à nouveau le commun sans hésitation ? Comme préserver l’intime ? Le corps est bien le lieu de l’échange et des limites subtiles, de la réalisation de l’être.

” En février 2011, je ramène d’un voyage en République Démocratique du Congo trois casseroles. Ustensile de cuisine, ce contenant métallique sonne à mes doigts et m’engage dix ans plus tard dans un solo ou comme le son percussif, je cherche l’écho de cette expérience. Les trois casseroles sont les seules choses de ce voyage dont je puisse me saisir pour faire en creux le récit d’une mort, le récit d’une nuit, le récit d’une porte entrouverte qui laisse les corps s’introduire. Histoire personnelle qui rejoint la grande Histoire, celle de la colonisation et de ma position d’occidentale. Ce solo représente la blanchité dont je ne peux me défaire. Quarante casseroles accompagnent mon chant et mes gestes. Je vais me nouer à elles, les tirer à bout de bras, me sonner de leur fracas. De cette situation inextricable je souhaite qu’une bascule opère et trouve son allègement, vers une suspension, un hommage, entre la vie et la mort. ” Mathilde Rance